Les difficultés d'accès aux produits non-alimentaires : 1 français sur 3 en situation de précarité matérielle

Les enjeux derrière la consommation : frustration, résignation, colère et intégration à la société

Paris, le 22 novembre 2021 – Trois ans après les premières mobilisations des Gilets Jaunes qu’a-t-on retenu ? Les Français font face à un contexte similaire : flambée du prix du carburant et plus largement des tarifs de l’énergie. Nouvel élément perturbateur : la crise sanitaire. 

Cette fin d’année 2021 est marquée par le foisonnement d’analyses divergentes sur l’évolution récente du phénomène de la pauvreté en France. L’enquête réalisée par l’IFOP, en octobre 2021, à la demande conjointe de la Fondation Jean Jaurès et de l’Agence du Don en Nature fait le choix d’un angle particulier.

Cette étude illustre comment derrière la difficulté d’accès à certains produits non-alimentaires, au-delà des enjeux concrets, se cristallise des problématiques d’« insécurité sociale » et plus largement s’illustre le poids symbolique de la consommation : facteur de relations sociales et d’image de soi, en somme, facteur d’intégration sociale. Elle permet également de déconstruire certaines idées reçues sur le « consommateur pauvre » et sur la manière de faire face au phénomène de précarité matérielle. 

La précarité matérielle : un phénomène de grande ampleur 

Près d’1 Français sur 3 doit renoncer très régulièrement à l’achat de produits non-alimentaires de première nécessité ; 31% d’entre eux renoncent plus de 4 fois par mois à l’achat de ce type de produits.

Ce phénomène de précarité matérielle touche plus particulièrement les jeunes (39% des personnes concernées ont moins de 35 ans), les travailleurs précaires (51% d’autoentrepreneurs et 47% d’intérimaires) et, bien sûr, les ménages aux revenus les plus modestes avec une rupture très nette sur l’échelle de revenus (aux alentours de 1300€).

Des stratégies de renonciation se mettent en place. Ainsi, les ménages concernés privilégient l’acquisition des produits d’entretien ou d’hygiène et les produits nécessaires aux enfants, au détriment des vêtements adultes ou des produits électroniques. Si cette stratégie est rationnelle sur le court terme et fortement symbolique, elle peut générer des difficultés à long terme pour les adultes, notamment en matière d’intégration au marché de l’emploi.

A ces logiques de renoncement, s’ajoutent des stratégies visant à acquérir au plus bas coût possible certains produits. Les enseignes de hard discount apparaissent comme une solution évidente, avec plus de 53% des Français qui les fréquentent régulièrement, de même que l’attente des promotions.

En revanche, les solutions d’emprunt ou d’usage de produits de seconde main de produits ne sont guère plébiscitées par les ménages en situation de précarité matérielle : 10% d’entre eux environ ont recours à ce type de solutions. Un point révélateur d’une tendance profonde : le poids symbolique de la consommation. Pour les ménages en situation de précarité, il est frappant de noter qu’ils associent l’achat de produit neuf au fait d’« avoir une consommation comme les autres » (+10% par rapport à la moyenne nationale) et de « consommer de manière digne » (+10% également).

La précarité matérielle génère un sentiment d’« insécurité sociale »

Près de 20% des déclarants sont en incapacité de participer à des évènements de la vie sociale (fêtes religieuses, fêtes de fin d’année, anniversaires, etc.) faute d’accès à certains produits. Dès lors, la difficulté d’accès à certains produits génère chez les répondants :
- De la frustration : 56% 
- Un sentiment d’injustice : 41%
- De la colère : 28%

Ils s’accompagnent également de la perception d’un décalage entre activité professionnelle et capacité à consommer : près de 75% des déclarants en situation de précarité matérielle estiment que leur pouvoir d’achat est très insatisfaisant au regard de leurs qualifications et du travail fourni.

Les sentiments de frustration, d’injustice ou de colère évoqués se traduisent pour le moment modestement en matière de mobilisation politique ou sociale (21% des déclarants sont concernés). Cependant, quand est questionnée la proximité des sondés avec le mouvement des Gilets Jaunes, une tendance nette se dégage : les sentiments de frustration, de colère, d’injustice ou de déclassement sont très fortement exacerbés alors même que le l’impression de proximité entre ce mouvement et les personnes en situation de précarité est très forte (environ 70% des sondés). 

Lutter contre la précarité matérielle, c’est faire société

Lutter contre la précarité matérielle, à l’heure où la survie alimentaire immédiate est très largement assurée, c’est prendre en compte la comparaison, le regarde de l’Autre. C’est l’éloignement par rapport à une norme commune d’accès à certains types de produits qui stigmatise, qui crée de l’exclusion. Les politiques publiques de lutte contre la précarité matérielle de même que l’action des associations spécialisées doivent donc tenir compte du caractère polymorphe de la précarité matérielle : lutter contre la précarité matérielle ce n’est pas simplement fournir des produits de première nécessité, c’est préserver ou redonner une place dans la société.

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